jeudi 10 avril 2014

Entretien du Jeudi avec les Hospitaliers

Aujourd'hui, cinquième et dernier entretien avec les Hospitaliers

SUR LA VALEUR SALVIFIQUE DE LA SOUFFRANCE
DANS LA VIE DE L'EGLISE ET DU MONDE (5/5)



Salvifici Doloris
SD 19 "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" On peut dire que le Christ, par la profondeur divine de l'union filiale à son Père, perçoit d'une façon humainement inexprimable la souffrance qu'est la séparation,  le rejet du Père, la rupture avec Dieu. Mais c'est justement par cette souffrance qu'il opère la Rédemption et qu'il peut dire en expirant: "Tout est accompli". La souffrance humaine a atteint son sommet dans la passion du Christ. Et simultanément, elle a été liée à l'amour, à l'amour qui crée le bien, en le tirant même du mal, en le tirant au moyen de la souffrance. En opérant la Rédemption par la souffrance, le Christ a élevé en même temps la souffrance humaine jusqu'à lui donner valeur de Rédemption. Tout homme peut donc, dans sa souffrance, participer à la souffrance rédemptrice du Christ.

SD 20-22 L'éloquence de la Croix et de la mort est complétée, par l'éloquence de la Résurrection. L'homme trouve dans la Résurrection une lumière complètement nouvelle qui l'aide à se frayer un chemin à travers les ténèbres épaisses des humiliations, des doutes, du désespoir et de la persécution. La Résurrection a révélé cette gloire qui, dans la Croix du Christ, était complètement obscurcie par l'immensité de la souffrance. Si en effet la Croix a représenté aux yeux des hommes le dépouillement du Christ, elle a représenté en même temps aux yeux de Dieu son élévation. Sur la Croix, en accomplissant la volonté de son Père, il s'est réalisé en même temps lui-même. La souffrance est aussi un appel à manifester la grandeur morale de l'homme, sa maturité spirituelle: dans leurs souffrances à tous, est confirmée d'une manière particulière la haute dignité de l'homme.

SD 23 Le Christ meurt cloué sur la Croix. Mais si en même temps, dans cette faiblesse et cette impuissance humaine, s'accomplit son élévation, confirmée par la force de la résurrection, cela signifie que les faiblesses de toutes les souffrances humaines peuvent être pénétrées de la puissance de Dieu qui s'est manifestée dans la Croix du Christ. Souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu offertes à l'humanité dans le Christ. Ce renouvellement d'énergie spirituelle de l'homme au milieu des épreuves et des tribulations est la vocation spéciale de ceux qui communient aux souffrances du Christ. Par la persévérance dans l'acceptation de ce qui dérange et fait mal, l'homme libère l'espérance, qui maintient en lui la conviction que la souffrance ne l'emportera pas sur lui: en ce sens de la vie, l'homme se retrouve alors qu'il est au fond même de la souffrance; il retrouve "l'âme" qu'il croyait avoir "perdue" à cause de la souffrance.

SD 24-25 L'ultime étape de l'itinéraire spirituel lié à la souffrance indique l'espace dans lequel les souffrances humaines complètent les souffrances du Christ. L'Eglise, qui puise sans cesse aux sources infinies de la Rédemption, est précisément la dimension dans laquelle la souffrance rédemptrice du Christ peut être constamment complétée par la souffrance de l'homme. Et c'est pourquoi aussi elle a une valeur spéciale aux yeux de l'Eglise. Elle est un bien, devant lequel l'Eglise s'incline avec vénération, dans toute la profondeur de sa foi en la Rédemption. A travers les siècles et les générations humaines, on a constaté que dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche intérieurement l'homme du Christ, une grâce spéciale: lorsque la personne humaine se trouve presque dans l'impossibilité de vivre et d'agir, la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d'autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d'une santé normale. C'est le Christ qui transforme, en un sens, la substance même de la vie spirituelle, en donnant à la personne qui souffre une place à côté de lui.

SD 26-27 Le Rédempteur crucifié -comme Maître et Guide intérieur- enseigne à ses frères et à ses sœurs qui souffrent, cet admirable échange situé au cœur même du mystère de la Rédemption. La souffrance, en soi, c'est éprouver le mal. Mais le Christ en a fait le fondement le plus solide du bien définitif, c'est-à-dire du bien du salut éternel. Le divin Rédempteur veut pénétrer l'âme de toute personne qui souffre par l'intermédiaire du cœur de sa très sainte Mère, prémices et sommet de tous les rachetés. La réponse qui vient ainsi dans cette participation, est par-dessus tout, un appel. Elle est une vocation. Le Christ n'explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout il dit: "Suis-moi"! Viens! Prends part avec ta souffrance à cette œuvre de salut du monde qui s'accomplit par ma propre souffrance! Par ma Croix! Ce sens salvifique de la souffrance descend au niveau de l'homme et devient en quelque sorte sa réponse personnelle. C'est alors que l'homme trouve dans sa souffrance la paix intérieure et même la joie spirituelle. Non seulement il est utile aux autres, mais en outre, il accomplit un service irremplaçable: la médiation et la source des bienfaits indispensables au salut du monde. Cette souffrance, plus que tout autre chose, ouvre le chemin à la grâce qui transforme les âmes.

SD 27-31 Dans le combat "cosmique" entre les forces spirituelles du bien et celles du mal, les souffrances humaines, unies à la souffrance rédemptrice du Christ, constituent un soutien particulier pour les forces du bien, en ouvrant la route au triomphe de ces forces salvifiques. C'est pourquoi l'Eglise voit dans tous les frères et les sœurs souffrants du Christ comme un sujet multiple de sa force surnaturelle. Que de fois les pasteurs de l'Eglise ont recours à eux, précisément parce qu'ils cherchent près d'eux aide et soutien! Les sources de la force divine jaillissent vraiment au cœur de la faiblesse humaine. Ceux qui participent aux souffrances du Christ conservent dans leurs propres souffrances une parcelle tout à fait particulière du trésor infini de la Rédemption du monde, et ils peuvent partager ce trésor avec les autres.

Plus l'homme est menacé par le péché que le monde actuel porte en lui-même, et plus est éloquente la souffrance humaine en elle-même. Et plus aussi l'Eglise éprouve le besoin de recourir à la valeur des souffrances humaines pour le salut du monde. Car la souffrance s'y trouve également pour libérer dans l'homme ses capacités d'aimer, très précisément ce don désintéressé du propre "moi" au profit d'autrui, de ceux qui souffrent. Le monde de la souffrance humaine ne cesse d'appeler, pour ainsi dire, un monde autre: celui de l'amour humain; et cet amour désintéressé, qui s'éveille dans le cœur de l'homme et se manifeste dans ses actions, il le doit en un certain sens à la souffrance.

Tel est le sens, véritablement surnaturel et en même temps humain, de la souffrance. Surnaturel, parce qu'il s'enracine dans le divin mystère de la Rédemption du monde, et profondément humain, parce qu'en lui l'homme se reconnaît lui-même dans sa dignité et sa mission propre. "Par le Christ et dans le Christ s'éclaire l'énigme de la douleur et de la mort". 

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